La mort, cet état de la vie inaccessible aux vivants. Oui, c'est-à-dire que la mort n'est pas l'opposé de la vie, mais en fait full part. Cela me rappelle un essai de dessin pour figurer ce genre de vérité. Assez basique, enfantin, naïf, ce que tu veux. Mais indéniable. Il y a la vie à se figurer comme un cercle. Dans ce cercle, on y décèle deux formes : une partie vie et une partie mort. La vie est contenue dans la vie. Tout comme dans le découpage arbitraire vrai/faux, le faux a sa propre vérité. C'est-à-dire, dans le grand Vrai, il y a le vrai... et le faux. Mais le faux n'est pas en dehors du Vrai. On touche ici à l'ubiquité de l'existence. Nos perceptions et nos créations nous amènent à penser et croire qu'une chose est une chose et ne peut en être une autre. De même, qu'une chose est ici et donc pas là-bas. Il s'agit d'une relation d'exclusion qui correspond aux limites de notre compréhension, de notre esprit, et des conditions de notre existence. Mais cela n'est probablement pas le plus proche du réel. Car le réel dépasse fort et bien copieusement nos perceptions et notre compréhension à l'instant T.
Meurt-on avant de mourir ?
Et niveau émotionnel ?
élément d’irréversibilité
Plus que la mort en elle-même donc, c'est bien l'irréversibilité qui reste foncièrement dérangeante. Car si nous sommes mort, alors nous sommes mort et nous n'avons plus l'occasion d'en discuter, ni d'observer le passage. Alors, qu'en a-t-on vraiment à foutre, là, au présent ? Le souvenir nous quitte. Et avec le souvenir, tout ce qui faisait notre existence. D'ailleurs, si une émotion peut nous faire renaitre à chaque instant, cela doit bien-sur être nuancé par le fait que nous avons des schémas qui, même et malgré les interruptions de diverses formes et manifestations, nous font vite revenir à nous, tel que le passé s'actualise. Il n'y a que de très grands chocs, de grosses interruptions, qu'elles soient perçues positives ou bien négatives, sur le moment ou plus tard, qui nous permettent de briser nos schémas boucles, ou du moins d'en créer d'autres, de varier. Ou alors une prise de conscience radicale de ces processus, ou une compréhension profonde qui nous autoriserait à commencer de les manipuler à bon avantage. :)
En yoga, on a une posture dite du cadavre qui consiste à être étalé bien droit dos au sol, un peu comme si nous étions dans un cercueil.
Dans l'imaginaire, qui se fait un peu vieillot hoy, la mort est personnifiée en un squelette couvert d'une capuche noir, et portant une faux. Curieusement, cet instrument de récolte renvoie à la mort. Couper les céréales est effectivement donner la mort en masse à des plantes... bien que la signification vienne certainement d'autre chose. Une faux.. rien que le nom fait penser aussi (homonyme), dans la logique de mes articles #BAM, à un sens différent, celui de faux opposé au vrai. Bref :)
On a aussi le glauque des créatures romantiques : vampire, la créature du Dr Frankenstein, les zombies... Tout cela porte la mort ou transcende la mort. Le vampire peut vivre éternellement mais nous trouvons cela malsain. Les zombies sont un paradoxe génial, car ils sont morts mais se meuvent. Ces créatures imaginaires proposent un reflet de nos craintes, de nos préjugés, de nos états et de ce qu'on pense de la mort. Les zombies n'ont aucune conscience et n'ont qu'un objectif de "vie" : bouffer le cerveau de vrais vivants.
Longévité - Transhumanisme
Nous vivons plus en longévité par rapport à la moyenne de nos ancêtres. Une espérance d'environ 80 ans, c'est inespéré. Bien entendu, espérance ne veut en aucun cas dire certitude, ni garantie. Et ne garanti aucune intensité. C'est clair que notre village n'est pas sous la menace permanente d'un massacre et pillage. On a des menaces autres, angoissantes aussi, mais pas qui mettent notre intégrité physique en jeu dans de telles proportions. L'allongement de la longévité est assez déstabilisante pour notre psychologie basée sur les conditions de vie du paléolithique, par une espérance de 20-30 ans max.
Ah mais je viens de réaliser que nous n'avons pas évoqué l'e-death. La mort virtuelle, c'est à dire la suppression de notre existence en traces sur les mondes virtuels. Chacun de nos gestes est enregistré sur le net. Tout ceci est aggloméré et constitue notre moi-virtuel. Par exemple, un phénomène pervers est le "revenge porn", qui consiste donc à publier des photos et vidéos "intimes" de son ex afin de l'exposer presque indéfiniment. Bien entendu, il existe des recours aujourd'hui pour stopper, prévenir et condamner ce phénomène. Ces personnes victimes doivent se sentir mortifiées, socialement il y a une association de la personne avec l'état de victime, ou d'injure, de "honte". Donc il y a à la fois la mort par exposition non-souhaitée, mais aussi mort par effacement.
Comment "gère"-t-on la mort ?
Oui, la terre sur laquelle poussent nos légumes est un composé très complexe de vie et de mort accumulé. Oui des générations et des générations sont mortes jusqu'à nous. Oui des individus sont morts de morts stupides. Mais ils nous ont permis d'accumuler des savoirs, de changer nos conditions de vie drastiquement. Un sacrifice involontaire, presque obligatoire. Cette réflexion permet d'orienter notre existence vers moins d'égoïsme stérile et quelque part de se sacrifier dans sa propre existence, telle l'image véhiculée par la figure christique, par exemple.
On nous propose aussi des reconstitutions de personnalités via des programmes qui recyclent toutes nos activités sur les réseaux sociaux et autres plateformes. Ainsi les proches peuvent-il avoir une conversation avec leur défunt. Parlons fiction, dans un épisode de la célèbre série Black Mirror, ce procédé est même poussé jusqu'à l'avatar robotique. Avec les technologies se posent vraiment des questions. Quand on voit à quel point on peut reconstituer et déduire plein de choses à partir d'éléments qui nous paraissent des détails, on se dit qu'on pourra vite bouleverser toutes ces frontières de vie/mort. Ce qui peut être parfaitement dérangeant pour nos catégories mentales.
En bref
- La mort est partout dans la vie, les frontières sont floues et risquent de le devenir encore plus.
- On a pris l'habitude de vite évacuer la mort, mentalement mais aussi physiquement.
- Les fictions nous offrent des moyens de réfléchir sur la mort.
- La perte d'interactions et d'évolution personnelle, mais aussi interpersonnelle, est ce qui fait de la frontière appelée mort une irréversibilité difficile à gérer émotionnellement.
- Vu que nous sommes aussi nos relations, "perdre" une personne est aussi se perdre soi, en souvenir, en présent, et au futur. Cela est vécu comme une perte de notre intégrité.
- L'irréversibilité même fait que nous n'avons pas à avoir peur de la mort. Une fois que cela arrive, nous ne pouvons pas le défaire, ni regretter quoi que ce soit, car nous ne sommes plus là tout simplement. Et même si il y a vie après la mort, les conditions semblent très différentes de sorte qu'il n'y ait rien à regretter non plus.
- Méditer sur la mort pendant notre vie peut être une chose riche d'enseignement, surtout dans les conséquences de nos actes, notre égoïsme stérile, etc.